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Louis-Émile Durandelle:
la memoire du Mont Saint-Michel
 La bibliothèque des Arts Décoratifs conserve dans ses collections un bel ensemble d’épreuves sur papier albuminé de Louis-Émile Durandelle (1839-1917). Représentatives de sa pratique de la photographie d’architecture, elles témoignent des grands chantiers parisiens mis en œuvre durant la deuxième moitié du XIXe siècle. En dehors des grands travaux menés dans la capitale, la bibliothèque possède une soixantaine de photographies sur la restauration du Mont Saint-Michel, objet de la présente exposition.

En 1872, l’architecte Edouard Corroyer, en charge de la restauration du Mont, fait appel à Durandelle pour couvrir la progression du chantier. La bibliothèque des Arts Décoratifs est heureuse de présenter au public les travaux de ce photographe mis en valeur grâce aux recherches menées par Charlotte Leblanc, dans le cadre de sa thèse à l’École Pratique des Hautes Études, sur les rapports de Louis-Émile Durandelle avec Édouard Corroyer. Cette exposition est également l’occasion de rendre hommage à un architecte qui, en tant que membre du conseil d’administration de l’Union centrale des Arts décoratifs durant une vingtaine d’années, a été impliqué de près dans la vie de l’institution.

Puisse cette collaboration, entreprise grâce aux travaux de Charlotte Leblanc, susciter les chercheurs à venir explorer et mettre en valeur d’autres corpus conservés dans nos collections.

**Beatrice Krikorian**
CONTACT:  biblio@lesartsdecoratifs.fr
du 26 février 2014 au 30 avril 2014 de 10h à 18h du mardi au samedi entrée gratuite
Bibliothèque des Arts décoratifs
111, rue de rivoli 75001 Paris
www.bibliothequedesartsdecoratifs.com
tel: 01 44 55 59 36
fax: 01 44 55 59 89



 promouvoir L’œuvre De L’architecte 
« M. Durandelle est déjà généralement connu des architectes pour la beauté des épreuves qui sortent de ses ateliers, aussi le recommandons-nous d’une manière toute spéciale aux lecteurs du Panthéon de l’Industrie », voici ce que déclare Édouard Corroyer en 1880 dans un article du journal Le Panthéon de l’Industrie intitulé « photographie artistique et industrielle ».

Cette renommée du photographe est encore confirmée en 1882 lorsqu’il obtient une médaille d’argent lors de la 7e exposition de l’Union centrale des arts décoratifs qui se tient au palais de l’Industrie.
Pour ce chantier d’envergure du Mont Saint-Michel, Édouard Corroyer souhaitait disposer des plus beaux documents afin de diffuser son œuvre. Les dessins aquarellés qu’il a lui-même réalisés pour établir un état du Mont en 1873 témoignent de cette recherche esthétique. De la même manière, les photographies qu’Édouard Corroyer commande à Durandelle ont, à n’en pas douter, un pouvoir de séduction. Produites pour documenter le chantier de restauration avant, pendant et après les travaux, comme cela se faisait régulièrement dès les années 1870, ces photographies ne sont pas un simple enregistrement des états d’un édifice. En sus de la qualité évidente de la construction de ces images, leur cadrage, le traitement des ombres et lumières, l’étude des négatifs sur plaque de verre de ces photographies révèle le long et méticuleux travail de Durandelle. Chaque plaque de verre est ainsi retravaillée, le plus souvent directement sur la plaque, avec une gouache de couleur rouge. Elle permet de ne pas laisser la lumière passer sur les endroits que l’on souhaite plus clairs au moment du tirage par contact des négatifs sur le papier albuminé. Durandelle pratique une autre technique de détourage consistant à coller du papier noir sur la plaque de verre au niveau des ciels qu’il souhaite parfaitement blancs pour mieux faire ressortir la Merveille. Il utilise aussi la technique du maquillage, consistant à bouger de petits morceaux de papier devant la plaque de verre au moment du tirage sur les espaces qu’il souhaite moins sombres. Enfin, il colle parfois sur toute la plaque un papier calque sur lequel il peut ensuite peindre pour retravailler ses photographies.

La « beauté des épreuves » permet ainsi à Corroyer d’utiliser ces photographies comme un outil de promotion de son œuvre. Il expose les documents d’études du Mont Saint-Michel à plusieurs reprises au Salon, notamment en 1873, 1874, 1875, 1879 et 1883, comme l’a bien montré Marie Gloc, spécialiste de l’architecte Corroyer. Il présente encore les photographies du Mont par Durandelle lors de l’exposition Universelle de 1878. Il lui arrive également d’offrir ces tirages à des confrères ou à des bibliothèques publiques afin de faire connaître son travail au plus grand nombre. En février 1885, Corroyer donne par exemple un album de 30 photographies du Mont Saint-Michel à l’Union centrale des Arts décoratifs. En janvier 1876, il avait fait de même pour la Bibliothèque nationale de France en écrivant au conservateur du département des Estampes : « j’ai pensé que des photographies reproduisant exactement le Mont Saint-Michel pourraient être bien accueillies et faire excuser mon ambitieux désir d’apporter un document nouveau sur le monument national que l’on connaît de vue, mais qui n’est pas à mon avis, connu comme il le mérite si bien et depuis si longtemps ».
Ces photographies serviront encore lors de la diffusion des recherches de Corroyer à travers les publications d’architecture. Dans la presse architecturale comme dans ses livres, Description de l’abbaye du Mont-Saint-Michel et de ses abords en 1877, Saint Michel et le Mont Saint Michel en 1880, Guide descriptif du Mont Saint Michel en 1883, l’Architecture romane en 1888, l’Architecture gothique en 1903, les photographies sont reproduites sous forme de gravures, respectant les cadrages, la construction des lignes ou les points de vue. La reproduction des photographies de la salle dite de l’Aquilon par la gravure en est un parfait exemple.
Ainsi, ces photographies de Durandelle ont indéniablement concouru à la formation progressive d’un imaginaire collectif du Mont Saint-Michel
*****Charlotte Leblanc*****
CONTACT:  biblio@lesartsdecoratifs.fr